trois lettres : S D F

Publié le par Blanche DREVET

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Il y a quatre jours, dans la foule de la gare de Lyon, une jeune femme s’est adressée à moi. Elle m’a dit qu’elle avait honte de me demander de l’aide mais qu’il le fallait. Elle était à la rue avec ses enfants parce que l’Administration n’avait pas encore eu le temps de s’occuper de son dossier. Elle n’avait pas l’aspect d’une clocharde et elle n’avait pas à avoir honte : elle est loin d’être la seule à se trouver sans domicile et sans argent et à essayer de garder sa dignité …

En prenant le train, j’ai pensé aux trois lettres S D F que l’on prononce rapidement pour n’avoir pas à dire SANS DOMICILE FIXE et approfondir ce que représentent ces trois mots. Et que représentent-ils ?

Pour tous ceux qui ont un toit, ils représentent ceux qui n’ont pas de chance et que l’on peut assimiler au mot CLOCHARD

Pour ceux qui n’ont pas de chance, le troisième mot FIXE est inutile : SANS DOMICILE veut dire SANS ABRI  ou ABRI PRECAIRE avec froid, faim, crasse et violence.

Pour l’Administration de notre société, je pense que c’est le mot FIXE qui est important car il permet de contrôler l’individu : qu’il soit sans abri ou pas ne semble guère avoir d’importance ; ce qui est gênant pour elle c’est que l’individu soit libre. Ce qui fait que dans notre société industrialisée de sédentaires, l’individu qui veut être libre doit choisir entre la misère ou une vie autre que celle du citoyen honnête qui a une adresse.

 

Alors que veulent dire PROGRES et CIVILISATION dans une société qui banalise ces trois lettres S D F ?

Je laisse en premier lieu la parole à un jeune américain du XIX siècle, Henri David THOREAU qui a choisi de tourner le dos à la civilisation de son pays :

 

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HENRI DAVID THOREAU 

                                               WALDEN ou LA VIE DANS LES BOIS

 

« A l’état sauvage toute famille possède un abri valant les meilleurs, suffisant pour ses besoins primitifs et plus simples ; mais je ne crois pas exagérer en disant que si les oiseaux du ciel ont leurs nids, les renards leurs tanières et les sauvages leurs wigwams, il n’est pas dans la société civilisée moderne plus de la moitié des familles qui possède un abri. Dans les grands villes et cités, où prévaut spécialement la civilisation, le nombre de ceux qui possèdent un abri n’est que l’infime minorité. Le reste paie pour ce vêtement le plus extérieur de tous, devenu indispensable été comme hiver, un tribut annuel qui suffirait à l’achat d’un village entiers de wigwams indiens, mais qui pour l’instant contribue au maintien de sa pauvreté sa vie durant.           .. »

 

« Quant au fermier, lorsqu’il possède enfin sa maison, il se peut qu’au lieu d’en être plus riche, il en soit plus pauvre, et que ce soit la maison qui le possède. »

 

« Nos maisons sont une propriété si difficile à remuer que bien souvent nous y sommes en prison plutôt qu’en un logis ; et le mauvais voisinage à éviter est bien la gale qui nous ronge. »

 

« On dirait qu’en général les hommes n’ont jamais réfléchi à ce que c’est qu’une maison, et sont réellement quoique inutilement pauvres toute leur vie parce qu’ils croient devoir mener la même que leurs voisins. »

 

« Il va sans dire que la majorité finit par être à même soit de posséder soit de louer la maison moderne avec tous ses perfectionnements. Dans le temps qu’elle a passé à perfectionner nos maisons, la civilisation n’a pas perfectionné de même les hommes appelés à les habiter. Elle a créé des palais, mais il était plus malaisé de créer des gentilshommes et des rois…Mais quel est le sort de la pauvre minorité ? Peut-être reconnaîtra-t-on que juste en la mesure où les uns se sont trouvés au point de vue des conditions extérieures placés au-dessus du sauvage, les autres se sont trouvés dégradés au-dessous de lui. Le luxe d’une classe se voit contrebalancé par l’indigence d’une autre. D’un côté le palais, de l’autre les hôpitaux et le « pauvre honteux ». Les myriades qui bâtirent les pyramides destinées à devenir les tombes des pharaons étaient nourries d’ail, et sans doute n’étaient pas elles-mêmes décemment enterrées. Le maçon qui met la dernière main à la corniche du palais, retourne le soir peut-être à une hutte qui ne vaut pas un wigwam. »

 

 PS : le mot sauvage n’a rien de  méprisant pour Henri David THOREAU qui a décidé lui-même de mener une vie naturelle de sauvage.

 

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Je laisse maintenant la parole à notre actuel président de la république qui, avant son élection, a abordé le sujet du logement dans un discours en décembre 2006:

 

« Je veux, si je suis élu président de la république, que d’ici à deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid. Parce que le droit à l’hébergement, je vais vous le dire, c’est un obligation humaine. Mes chers amis, comprenez le bien, si on n’est plus choqués quand quelqu’un n’a pas de toit lorsqu’il fait froid et qu’il est obligé de dormir dehors, c’est tout l’équilibre de la société où vous voulez que vos enfants vivent en paix qui s’en trouvera remis en cause. »

 

Ces belles paroles ne pouvaient qu’émerveiller tous ceux qui luttaient et continuent de lutter contre la pauvreté et la précarité du logement, mais il ne fait pas de doute à l’heure actuelle que ce n’étaient que des paroles. Les préoccupations de notre président sont autres … 

 Il ne fait pas de doute aussi que , comme le dit H.D Thoreau,  l’Histoire changera quand les individus changeront et ne considèreront plus leur Histoire comme celle appartenant aux princes, rois , empereurs ou présidents de république qui ont agi de même.

 

 

Un grand MERCI à Romantic qui m'a fait découvrir Henri David Thoreau , à Snow pour ses belles photos amérindiennes, et à Adamante et Mamalilou qui ont toutes deux publier le même discours.

Publié dans citations

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A
<br /> Je viens te souhaiter une bonne fin de semaine. Il ressemble à mon "La Tignasse", ton personnage sur le dessin en haut de ton billet !<br /> Bisous et bon samedi. Alain<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Bonne fin de semaine à toi aussi Alain . Il y a chez moi un vrai temps de novembre sous un ciel gris avec une lumière jaune dans les feuilles. Le personnage à la "Tignasse" un peu plus triste que<br /> le tien est un dessin que j'ai réalisé en 2009 pour illustrer un poème sur le sujet d'un Sans Domicile qui avait été primé par un jury de concours.Ce qui était important pour moi c'était de<br /> mettre l'accent sur l'espoir et sur l'indifférence de la foule. Amitié Bisous<br /> <br /> <br /> Blanche<br /> <br /> <br /> <br />
E
<br /> mais elle changera quand cette histoire?<br /> personne ne s ' en occupe vraiment<br /> et la misère gagne du terrain<br /> jusqu' à quand?<br /> bonne après-midi à toi<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Même si tout semble dire le contraire, il ne faut jamais perdre espoir ! Merci de ta visite Eva.Bon samedi et bon dimanche.<br /> <br /> <br /> Blanche<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Et, oui, les trois mots SDF... si triste, si triste de vivre dans un monde où tant de gens n'ont pas un endroit qu'ils peuvent appeler leur maison. La pauvreté est bien réelle. Et c'est une honte!<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Oui, c'est une honte pour notre société dite civilisée :merci Collier de l'avoir dit.<br /> <br /> <br /> Blanche<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Bonjour, Blanche!<br /> <br /> Je me souviens avoir lu Walden quand j'étais au collège - il ya 32 ans. Et je pensais alors à quel point il serait de faire ce que Thoreau a fait à ce moment-là ...<br /> <br /> (Sorry about my poor French - I'm trying hard!)<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Bonjour Collier , même si ton français n'est pas très correct ( je sais que c'est difficile ) je pense avoir compris ce que tu voulais exprimer. Nous avons tous eu envie un jour ou<br /> l'autre de vivre la vie que Thoreau a vécue ,mais lui-même a dit que sa vie n'était pas faite pour tous. Ce qui est important,  c'est que toutes les idées  révélées par son<br /> expérience de vie doivent nous éclairer dans la voie que nous avons choisie. En espèrant que tu pourras comprendre ma réponse à ton commentaire, je te souhaite une bonne journée.<br /> <br /> <br /> Blanche<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> bonjour blanche<br /> <br /> je ne connais pas bien l utilisation de la fonction trakback<br /> <br /> mais ne vous en préoccupez pas ; ce n est pas nécessaire pour écrire un commentaire<br /> <br /> tres amicalement joseph<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Merci Joseph , je retourne sur votre blog dès que possible pour écrire des commentaires . Amicalement<br /> <br /> <br /> Blanche<br /> <br /> <br /> <br />