le coeur de Mario
Cette petite histoire date de 2010 . C'est ma participation ( légèrement remanièe ) au jeu café thé qu'organise Brigitte sur son blog écureuil bleu http://www.unebonnenouvelleparjour.com Elle nous demandait d'illustrer avec un texte la toile de Georges Seurat, le cirque.
LE COEUR DE MARIO
Il était une fois un petit cirque bien sympathique qui voyageait de ville en ville sur les routes de France. Chaque fois qu’il s’arrêtait, que les affiches multicolores tapissaient les murs et que les hommes montaient la grande toile rouge et bleue, les habitants accouraient, pressés de voir le spectacle qui ravissait les enfants, mais aussi les parents et les grands-parents ! Il était très varié ce spectacle : on pouvait voir des trapézistes, des clowns, des jongleurs ainsi que des animaux qui donnaient le frisson, deux lions, un tigre et même deux éléphants ! Mais le numéro qui était le plus applaudi était celui d’Estella sur son cheval blanc. Estella était une jolie cavalière qui n’avait pas peur d’accomplir des sauts périlleux sur son petit cheval et Mario, le chef d’orchestre choisissait pour elle la plus belle musique qui sortait de son cœur car Mario était très amoureux d’Estella. Seulement il était trop timide pour le lui avouer et plusieurs années étaient passées sans qu’il en ait le courage.
Un jour pourtant, il se décida. Il acheta les plus belles roses qu’il put trouver, mit son plus beau costume, installa son cœur au milieu des roses et attendit la fin du spectacle. C’était une très belle soirée avec un ciel piqué d’étoiles. Quand Mario vit apparaître Estella dans sa robe pailletée qui brillait au clair de lune, il resta paralysé et aucun son ne sortit de sa bouche. Estella le voyant avec son bouquet comprit son silence et lui dit gentiment :
« Je t’aime bien Mario, mais j’ai déjà donné mon cœur au grand clown blanc »
Toutes les folles idées que Mario avait imaginées avec Estella s’effondrèrent autour de lui, les roses baissèrent la tête et son cœur pesa aussi lourd qu’un cœur de plomb. A partir de cette nuit, il se sentit seul et pauvre. Sa musique si gaie devint tellement monotone et triste que le cheval blanc perdit la joie de vivre et Estella celle de faire des sauts périlleux. Les bancs des spectateurs devinrent de plus en plus vides et le directeur du cirque appela Mario dans son bureau :
« Mario, je ne sais pas pourquoi ta musique n’est plus ce qu’elle était, mais je vois que la recette diminue de jour en jour et je ne peux plus te garder dans le cirque. Il me faut trouver un autre chef d’orchestre »
Alors Mario, qui ne connaissait pas d’autre monde que celui du cirque, alla se promener le long d’une rivière. En se penchant sur elle à la recherche du visage de sa bien-aimée, il glissa doucement et se laissa emporter par les flots. Quand il perdit la vie, son cœur devenu léger gonfla comme une immense toile rouge et bleue et emporta avec lui, sur un nuage, le petit cirque ambulant, les trapézistes, les clowns, les jongleurs, les lions, le tigre et les éléphants, sans oublier le directeur et bien sûr Estella et son cheval blanc. Il ne resta plus de ce joli cirque qu’une image figée, la toile d’un peintre spectateur qui, avec la vision d’un mauvais génie, avait immobilisé dans le silence ce petit cirque joyeux qui aimait tant le mouvement et la musique.
Blanche Drevet